Murmures

Hey, salut vous !
Ca fait un bail, dites donc !
Bon pour relancer la machine, je propose un texte que j'ai eu dans l'atelier pendant des mois, et à propos duquel j'aurai besoin de critiques pour mettre un point final (notamment pour la douzième strophe ) !
Alors à vos plumes pour les commentaires constructifs !

Murmures

Marcher dans ce musée, c’est visiter le monde
Tel que d’autres l’ont vu, vécu et ressenti,
Voir d’autres univers, des rêves infinis
Où formes et couleurs se lient et se confondent.

Je remarquais d’abord une jeune princesse
Dont le visage d’ange attira mon regard,
Et qui me murmura en me prenant à part
Pourquoi un homme avait dessiné sa jeunesse :

« Il était fou de moi, moi sa simple servante,
Il voulait que je sois son tableau le plus beau.
Alors je pris la pose, et lui pris ses pinceaux
Pour donner une image à sa passion brûlante.

Aujourd’hui il est mort depuis bien des années,
Mais moi je reste ici dans ce cadre de bois,
Et il ne reste plus du charme d’autrefois
Qu’une triste langueur aux couleurs estompées. »

Un peu plus loin, je vis, dans une plaine immense,
Un grand champ de bataille ou gisait un soldat,
Qui me dit au milieu du fracas du combat
Ce qu’en ce lieu perdu était son existence :

« Je vis dans un tableau aux bords trop éloignés,
Mon teint est craquelé, mes vêtements sont fades,
Et tout autour de moi, le bruit des canonnades
M’englobe et m'assourdi de son cri enragé.

Mon avenir est noir des fumées des canons,
Mon uniforme est taché de sang et de terre,
Mais mon esprit voyage en d’autres atmosphères,
Et mon cœur bat plus fort loin de cet horizon. »

A côté, une ancêtre accablée par les âges
Poussant une charrue traînée par un baudet,
Me dit en haletant de sous son vieux béret
Le lourd poids des années qui grippe ses rouages :

« Je suis lasse de vivre des jours sans couleurs.
Le soc aigu du temps creuse mes traits livides,
Tranche ma face blême et sillonne mes rides,
Racle ma chaire aride et fauche ma vigueur.

Je suis comme ma terre, inféconde et stérile,
Chaque jour, le travail m’éreinte et me détruit ;
Mais je sais qu’au-delà, ma conscience s’enfuit
Vers un monde paisible, agréable et fertile »

Juste avant de sortir, dans un sombre recoin,
Un auguste prélat, austère et vénérable,
Arborant un visage aux traits indéchiffrables,
Attira de son œil mon regard vers le sien

Et me dit : « Vois-les donc, ces tristes figurants,
Autrefois bien vivants, animés et rieurs,
Dont un génie humain a ravi les couleurs,
En les emprisonnant sous un vernis brillant.

Vois-les, toi, homme libre au regard aspiré
Par tous ces tourbillons de formes et de teintes,
Observe l’héritage en ces toiles bien peintes
D’un monde que tu vois et qui t’est étranger.

Dis-toi que pour ces gens, pour tous ces personnages,
Le monde se limite à leur propre décor,
Et que tous ils t’envient et rêvent de ton sort,
Car leur propre univers n’est qu’une morne cage.

Sache les écouter, ces défunts qui murmurent ;
Sache comment leurs vies prisonnières du temps,
Au-delà du trépas et par delà les ans,
Continue à brûler depuis leurs sépultures,

Et sache que ces morts, isolés dans leurs toiles,
Rêvent tous à ton monde inouï, merveilleux,
Qu’au-delà du regard pétrifié de leurs yeux,
Ils songent en secret aux lointaines étoiles ».

J'aime vraiment beaucoup. Un thème plutôt classique de "célébration" sous une forme pas banale et malgré la longueur tout s'enchaine, se suit, on ne s'y perd pas ^^.

Pour mes commentaires :

Marcher dans un musée, c’est visiter le monde

Au départ je pensais que tu parlais de tous les musées hors ton texte se focalise ensuite plutôt sur les musées d'art et en plus, d'art pictural. Plutôt classique vu que tu ne parles pas du tout d'abstrait. Je mettrai plutôt "marcher dans CE musée".

Pourquoi un homme avait dessiné sa jeunesse :
[...]
Mon uniforme est taché de sang et de terre,

Je m'y suis repris pour le lire correctement ceux ci. Le rythme est différent des autres vers j'ai l'impression et dans ton style impecable ou tout se lit musicalement sans que le lecteur n'aie d'efforts à faire, cela m'a perturbé j'avoue :p.

Et il ne reste plus du charme d’autrefois
Qu’une triste langueur aux couleurs estompées. »

Comparé aux autres tableau, la finalité de celui ci est assez légère dans ce sens que dans le discours des 2 autres on ressent très bien l'aspiration à autre chose, a un autre univers, à d'autres sensations etc... Ici je trouve un peu "facile" quand on découvre le niveau des strophes suivantes (qui sont cohérantes l'une avec l'autre).

Je suis comme ma terre, inféconde et stérile,
Chaque jour, le travail m’éreinte et me détruit ;
Mais je sais qu’au-delà, ma conscience s’enfuit
Vers un monde paisible, agréable et fertile »

La rime stérile-fertile semble "facile". Je me doute qu'il s'agit d'une opposition d'idée etc. Mais ça fait télephonné :p

Au-delà du trépas et par delà les ans,

Un vers qui m'a fait l'effet d'un marteau automatique. Trop rythmé celui ci peut être :p
D'autant qu'il a un pti effet de déjà lu aussi même si ce n'est pas le cas. Je pense que c'est dût à la répétition d'expression comprenant "delà" dedans ^^. D'autant que tu va le réutiliser dans la dernière strophe :p

Mes vers préférés :

Alors je pris la pose, et lui pris ses pinceaux
Pour donner une image à sa passion brûlante.
[...]
Me dit en haletant de sous son vieux béret
Le lourd poids des années qui grippe ses rouages :
[...]
Attira de son œil mon regard vers le sien
[...]
Sache comment leurs vies prisonnières du temps,
Continue à brûler depuis leurs sépultures,
[...]
Qu’au-delà du regard pétrifié de leurs yeux,
Ils songent en secret aux lointaines étoiles ».

Tu demandes un avis pour la 12eme mais je ne vois rien de plus à dire ^^

Merci de la lecture, des compliments et du commentaire encore une fois précis et constructif (je me répète, là, non ? ^^ )

[/quote]Au départ je pensais que tu parlais de tous les musées hors ton texte se focalise ensuite plutôt sur les musées d'art et en plus, d'art pictural

Tout à fait, je ne parle que de tableaux, et même de portraits ( ou au moins d'œuvres intégrant un personnage reconnaissable ). Le fait est que je ne connais pas grand chose aux autres formes d'art visuel classique ( j'entends par là peinture/sculpture )et que l'art pictural me parait de ce fait le plus apte à poétiser.

[/quote]Je mettrai plutôt "marcher dans CE musée"

La précision serait effectivement plus exacte, mais la phrase me parait bancale vu qu'on ne "présente" pas le musée. Je pense que mettre une strophe d'accroche pourrai ne pas être mal, quelque chose du genre
"derrière chez moi
devinez quoi qui nya
nya un musée
et ouai !"
ceci dit, partir direct dans un musée que le narrateur connait, comme si on entrait dans sa vie en étant sensé la connaître ma plait aussi.
Je vais réfléchir a cette alternative.

[/quote]Le rythme est différent des autres vers

C'est juste. La première version pour le soldat c'était :" Mon plastron est tâché du sang et de la terre", mais le "du sang et de la terre" appelle quelque chose de plus et plastron renvoi à des guerres plus médiévales alors que dans mon idée celle-ci est plus récente, époque napoléonienne ou 14-18. Je vais essayer d'unir les deux, je pense, quelque chose comme mon plastron est tâché de ...???.
Pour l'autre, je comprends ton impression, maintenant que tu le dit ça me fait la même chose, mais en fait le rythme est régulier, avec une césure en deux hémistiche de 6. Je pense que c'est le sens de la phrase qui déséquilibre le vers, je vais essayer de l'arranger aussi.

[/quote]Comparé aux autres tableau, la finalité de celui ci est assez légère dans ce sens que dans le discours des 2 autres on ressent très bien l'aspiration à autre chose, a un autre univers, à d'autres sensations

Ici il faut voir une progression dans les strophes : d'abord le simple ennui, la langueur de la princesse, puis le fatigue physique du soldat qui rêve à un autre endroit, pas nécessairement un autre monde, mais simplement hors de son propre paysage de champ de bataille, et enfin l'ancêtre, au bout de la fatigue (à la fois morale et physique), qui aspire presque à la mort, la fin du calvaire.

[/quote]La rime stérile-fertile semble "facile". Je me doute qu'il s'agit d'une opposition d'idée

Plus qu'une opposition d'idée, c'est à la fois une rime auditive, sémantique et orthographique puisque les deux mots sont presque des anagrammes (à une lettre près).
Là encore il y a une progression entre les deux, pour montrer qu'en fait entre stérile et fertile, la différence est faible, voire minime. Chacun interprète cette proximité comme il veut, ceux qui voient le verre à moitié vide la prennent comme une raison de plus de désespérer, ceux qui le voient à moitié plein comme un signe encourageant.

[quote]Un vers qui m'a fait l'effet d'un marteau automatique. Trop rythmé celui ci peut être :p
D'autant qu'il a un pti effet de déjà lu aussi même si ce n'est pas le cas. Je pense que c'est dût à la répétition d'expression comprenant "delà" dedans ^^. D'autant que tu va le réutiliser dans la dernière strophe :p

Je vois ce que tu veux dire, d'autant que l'allitération ne sert en réalité aucun but vis-à-vis du sens de la strophe. Mais je vais quand même le laisser tel quel parce que j'adore la rime dans la rime qu'il forme avec le vers précédent, comme une mini-strophe :
prisonnière du temps
au-delà
du trépas
et par-delà les ans
Cela dit je suis d'accord avec toi sur un point : si la répétition de delà n'est pas à mon sens gênante dans cette strophe, le fait qu'il soit répété dans la suivante appauvrit l'ensemble. Mais dans ce cas j'aurai tendance à modifier la dernière plutôt que celle-ci.

Pour la 12e, la strophe est effectivement très bien comme ça ( en fait je trouve que c'est la meilleure du poème ), mais elle casse l'alternance rimes mâles/rimes femelles du reste du poème car elle ne contient que des rimes mâles et ça gène mon obsession perfectionniste :p

En tout cas merci de ta lecture et de ta contribution !